jeudi 21 janvier 2010

Trois mois d’expérience culturelle à Allada avec Jeunesse Canada Monde et SYTO-Bénin




Timothée Akako, Participant
Édition janvier 2010


La phase retour de notre programme à Allada a été effective le mardi 03 novembre 2009 sous la direction de Brice et Marylène nos superviseurs. A huit heures, un mini bus semblable à celui qui nous a conduit de l’aéroport à notre auberge se pointe. Dès l’arrivée du mini bus, nous avions descendu nos valises avant de prendre la direction d’Allada. Ce fut agréable jusqu’au moment où l’étonnement et une série de questionnement s’installent. Ce qui se passe, c’est le conducteur de notre mini bus qui se fait amender par les forces de sécurité routière pour avoir oublié son permis de conduire chez lui comme si notre groupe était privé de ses droits à savoir, le droit à la sécurité. Heureusement, son amende fut payée par Brice le superviseur béninois puis j’ignore la suite de l’affaire. J’ai été profondément choqué par l’attitude de ce conducteur étant donné que je rentrais d’un pays ou la sécurité des personnes est de rigueur. En plus, je me faisais des préjugés quant à l’impression que mes amis canadiens auront de mon pays. Cette première mauvaise expérience vient donc à l’encontre de l’excitation qui nous animait tantôt quant à la découverte de notre nouvelle communauté d’accueil.

Plusieurs fois déjà, j’ai traversé la ville d’Allada quand je me rends au nord du pays ou réside ma famille biologique. En réalité, je n’ai jamais connu cette ville dans tous ses détails. Désormais grâce à JCM et SYTO-Bénin, je passerai un séjour de trois mois dans ce coin. Ma première découverte fut mon projet de travail. L’étape suivante sera celle de ma famille d’accueil. Laquelle des différentes familles présentes sera la notre Kai et moi? Je l’ignore encore. Finalement, nous sommes reçus par une jeune dame d’une quarantaine d’années. Elle est mère de deux filles puis son mari directeur d’un collège. Probablement, nous avons été les seuls volontaires ayant passé trois mois en famille avec seulement trois visites de notre père d’accueil. Toutefois, notre séjour sera inoubliable .Grâce à notre grande maman d’accueil, nous avons appris les totems et le rôle qu’a joué la famille HOUNTONDJI à la cours royale. C’est elle qui avait la charge de forger les bijoux et la parure des rois d’Abomey. C’est aussi une famille conservatrice de tradition. Tout nouveau né reçoit deux trais de cicatrices sur les tempes afin de marquer son appartenance à la famille.

Ce matin, je ferai ma première visite de travail dans un village très reculé. Ici la rue est impraticable et il n’y a d’eau potable. Néanmoins, cela ne nous empêchera de conduire notre diagnostic du PFR (Plan Foncier Rural) au sein de ce village. La population nous parlera de l’historique, de certains aspects géographiques puis des différents conflits domaniaux du village. Ces différentes informations serviront à réaliser des rapports, faire des levés topographiques puis enfin réaliser le PFR. Tout ce travail est fait grâce au concours des populations. Je soutiens vivement les activités de cette ONG considérant l’ampleur des conflits autour de la terre et l’importance qu’elle occupe au sein des sociétés africaines.

Chaque semaine, dans le cadre de nos programmes d’éducation commune, une paire d’homologues doit présenter une recherche sur un sujet qui touche les réalités de la communauté. Les différents thèmes sur lesquels ont porté nos recherches ont été choisis et approuvés à l’unanimité par le groupe. L’Histoire du Bénin a été préparée et présenter par Viviane et Jocelyne, L’Environnement au Bénin Thomas et Laurent, L’ Économie Locale Keaton et Pamphile, Religion Vodou Linda et Prisca, Esclavage Timothée et Kai, Impacts des ONG dans la ville d’Allada Migbèdéa et Jodie, Rôle de la femme dans le développement local Silke et Abidine, Commerce équitable Aristide et Guillaume. J’avoue que ce sont des séances intéressantes au cours desquelles chaque volontaire a apporté son commentaire et son analyse critique du sujet. Les différentes problématiques sont présentées sous la méthode choisie par les deux homologues. Le thème de ce matin portera sur la politique au Bénin et sera présenté par Pablo et Borgia. Comme à l’accoutumée, nous commençons toujours par des affaires de groupe en vue de garder constante notre dynamique. La crise de ce jour paraît plus difficile à trancher. D’ailleurs, elle ne relève pas de notre compétence et par conséquent pèsera sur le groupe. L’affaire de groupe de ce jour est triste et non négociable nous laisse entendre Marylène la superviseure canadienne. En fait, il s’agit du départ inattendu de Keaton un volontaire canadien qui doit finir le programme en cours de chemin pour rejoindre sa famille au canada. Une branche tombe de notre arbre symbole de notre solidarité que nous avions dessiné et affiché au mur et dont il avait pris part. Le même soir, il devra se présenter à l’aéroport pour son vol qui est prévu pour 23h50. L’atmosphère devient systématiquement tendue puis des larmes se mettaient à couler de certains visages. Les raisons de son renvoi figurent sur la liste des non négociables de notre programme d’échange. Dès cet instant, aucune négociation n’était possible. Keaton est néanmoins pour ma part un ami très intelligent, ouvert d’esprit et respectable. Cependant, nos choix ne sont pas toujours les bons chaque jour que le soleil se dresse au dessus de nos têtes.

Le mois de Décembre s’égraine puis les fêtes de fin d’année s’approchent à grand pas. Cette année, je ferai les fêtes différemment que les autres fois. Notre groupe a honoré à son engagement de rester au côté des enfants à l’orphelinat FIFAME d’Allada. Je félicite le groupe pour les quelques heures d’affection que chacun de nous a apporté à ces enfants innocents en particulier Linda, Silke et Jodie qui ont servi là bénévolement durant les trois mois écoulés. Une fois, Jodie me faisait comprendre que ces enfants manquaient d’affection. Sincèrement, j’avoue que je n’avais pas réellement saisi la pertinence de ce qu’elle m’a dit. Un soir, pendant que j’étais chez elle pour un exercice d’informatique, elle m’invite à l’accompagner à l’orphelinat pour un diner avec les enfants. En fait, c’est une habitude qu’elle avait prise de diner chaque mercredi avec ces enfants. Je ne voulais pas vraiment y aller parce que c’était une invitation improvisée. Elle insiste puis je finis par lui dire oui. Elle me demande de prendre l’un des enfants dans mes bras. Ce que je fis avec empressement parce que le besoin se faisait lire sur le visage du petit garçon. Cet enfant était âgé de trois ans mais incapable de marcher ni parler mais par nature capable de pleurer. L’heure est venue pour nous de retourner dans nos familles d’accueil. Le jeune garçon se mit à pleurer, se serre plus fort contre moi puis m’enfonce les griffes dans la peau. C’était sa façon à lui de m’exprimer son mécontentement. Une autre fois, l’un des enfants manifeste sa jalousie en pleurant pour l’avoir mis au sol et prendre un autre qui semblait attendre impatiemment son tour. Toute suite, je compris les détails que Jodie me donnait de ces enfants il y a quelques jours.

L’un des objectifs du groupe est notre implication dans la communauté d’accueil. Ce samedi 09 janvier est consacré à la journée de salubrité qui mettra ensemble et bénévoles et population de la communauté. La commission que notre groupe a mise sur pied pour organiser cette journée a réussi à mobiliser certaines personnes de la communauté de commun accord avec le chef d’arrondissement. Le travaille de ce jour a consisté à dégager des locaux de l’arrondissement des sachets plastiques et feuilles d’arbres au sol. Malgré que notre initiative ait été louée par madame le chef d’arrondissement, cette action m’apparait comme une oasis au milieu d’un désert de pauvreté et d’analphabétisme qui caractérise notre communauté d’accueil. J’espère que cette journée de salubrité sera perpétuée comme nous l’a promis le premier responsable de cet arrondissement.

Mes différentes expériences acquises au cours de ce programme puis le fait d’avoir collaboré avec les amis d’une autre culture ont éveillé une vision des choses en moi. Tout semblait si nouveau, si intrigant. Je suis fasciné par tout ce que je peux voir, toucher et goûter. Grâce à ce programme, j’ai découvert la ville d’Allada dans tout son paramètre culturel et cultuel. Ma visite cette fois-ci avec le groupe au village lacustre Ganvié, le Palais Royal d’Abomey de même que notre participation à la fête du vodou m’ont procuré un émerveillement.

Nos deux groupes réunis, nous représentons deux pays et pouvons parler des langues différentes. Fort heureusement, tout le monde fait des efforts pour s’exprimer en français, mais bien entendu, on se laisse parfois aller à notre langue maternelle. Cette situation a pris d’ampleur à quelques semaines de la fin du programme puis paraît normale pour certains et pénible par contre pour d’autres. Je déplore la façon dont nous sommes en train de finir le programme mais c’est la dynamique du groupe en ce moment.

Cela fait bientôt trois mois que les amis canadiens sont à Allada néanmoins, le choc culturel d’un phénomène persiste encore pour certains d’entre eux. En fait, dans notre nouvelle communauté, la couleur de la peau peut avoir un rôle décisif sur la façon dont les gens interagissent entre eux. Par exemple nous béninois avons peu de difficultés à se faire accepter dans notre milieu de vie. Par contre, certains de nos homologues blancs vivent d’énormes pressions sociales. Ils se sentent envahis. Lorsque je marche avec ces amis dans la rue certaines personnes de la communauté ne cessent de leur crier « Yovo! Yovo! » Ce qui signifie blanc! blanc. Les enfants eux chantent cette phrase : « Yovo! Yovo bonjour ça va bien merci! ».Cette chanson est dite tous les matins et tous les soirs lorsque nous nous rendons ou revenons de nos projets de travail. Mes amis sont tannés et déçu d’entendre ce refrain. Je le sais et ils me l’on dit. Je décide donc de comprendre l’idée qui se cache derrière cette chanson et pourquoi elle est chantée par presque tous les enfants de la ville en vue de l’expliquer à d’autres. J’ai pris isolement au total six enfants dans la rue puis je leur ai posé les questions qui suivent : où as-tu appris cette chanson ? en famille ou dans la rue? Est-ce pour provoquer mes amis que tu la chante ? De ces différentes questions, un seul a pu me répondre en me disant qu’il a appris la chanson dans sa famille. Après toutes les réponses qu’il m’a données, je réalise en fait que c’est une manière pour eux d’exprimer leur intéressement à mes amis puis de les amener à s’intéresser en retour. Quant aux deux personnes âgées que j’ai interrogées, les réponses sont pratiquement semblables. Tous les occidentaux qui sont passés des années durant au sein de cette communauté ont toujours exprimé leur intérêt au tout petit et c’est ce qui justifie leur attitude vis-à-vis de ceux-ci. Par contre les grandes personnes les appellent « Yovo!Yovo » à défaut de les appeler par leurs propres noms. C’est un fait social pour lequel mes amis non pas assez d’informations. Ils auraient préféré qu’on leur appelle par leurs propres noms que par un qualificatif ayant trait à la couleur de leur peau. Pour mes amis, la couleur de la peau n’a aucune importance. Ils aimeraient être considérés au même titre que nous. A voir la situation, je pense peut être que le poids de la colonisation n’a pas encore fini de peser sur certaines communautés du milieu. Toutefois, je me demande si des deux camps, chacun arrive à prendre le recul par rapport à sa propre culture pour regarder la situation dans une autre perspective. Un jour, je devais prendre un taxi moto avec Jodie quand celui-ci m’accuse de mauvais pour avoir refusé de comploter avec lui pour taxer mon compagnon. Il en ait de même pour les autres filles canadiennes du groupe qui se font tout le temps demander leur numéro de téléphone dans la rue ou se faire demander en mariage comme se fut le cas de Silke. Un monsieur qu’elle n’a jamais rencontré s’avance vers elle, lui dit qu’elle était vraiment belle puis lui demande ensuite de l’épouser et de lui faire mille enfants. Celle-ci l’ignore et continu son chemin. Lorsqu’on s’est retrouvé, elle me demande si elle était comparable à un animal pour faire mille enfants. Je ne comprenais pas vraiment sa question. Elle me narre les faits. J’ignore l’air que présentait ce monsieur, est-ce un ivrogne ou un homme normal, je ne le sais. Ce dont je suis sûr c’est le choc que mon amie a subi. Du retour d’une marche, Kai, Jodie et moi en plus de deux autres amis; une dame nous approche puis demande à mon homologue s’il voulait faire l’amour avec elle. Aucun de nous n’avait compris l’attitude de cette dame. Il a fallu l’explication de nos deux autres amis de la communauté pour que nous comprenions malheureusement que cette dame était victime d’une déficience mentale. Dans ces conditions, mes amis ont –ils réussi à faire la différence entre ce qui est une caractéristique personnelle et ce qui est une caractéristique culturelle? Je crois oui dans la mesure où ils reconnaissent que certaines personnes partagent volontiers leur vision du monde et sont heureux de faire leur rencontre. Néanmoins, le choc culturel et les différentes expériences que certains canadiens ont vécues les ont bouleversés. Pour la plupart d’entre eux, ce qu’ils ont vu, entendu, ressenti et vécu, a ébranlé leurs consciences, leurs valeurs et leurs perceptions de ce monde. C’est avec le besoin de libérer ce stress que vient le besoin de s’en fermer seul chez soi par moment.

La fin de notre programme de JCM et SYTO à Allada s’approche à grand pas. Notre séjour a été meublé de plusieurs souvenirs parfois mauvais, parfois heureux. Chaque volontaire a certainement vécu des expériences inoubliables. Néanmoins, plus les jours passent plus j’ai hâte que le programme finisse pour certains points et pour d’autres, j’aurais aimé que notre séjour se prolonge. Lorsque je pense à certaines malversations au sein du groupe et à certaines de mes priorités après ce programme, je ne peux m’empêcher de voir sa fin. Par contre, en pensant aux moments qu’on a vécu ensemble mon homologue et moi, en pensant à ma famille d’accueil, à mon projet de travail, je voudrais que notre séjour soit prolongé. J’aurais voulu retourner toute suite à la fin du programme poursuivre le bénévolat à l’IAMD (Institut Africain d’application des Méthodes de Développement) mais malheureusement d’autres obligations m’attendent. Cette ONG est soutenue et financée par un fond américain dans le cadre de la réalisation du PFR (Plan Foncier Rural).Ce travail est fait en vue d’assurer une bonne sécurisation des terres aux populations rurales.

Dans une semaine, le programme prendra fin. Chacun retournera dans sa propre communauté puis le moment de mettre en application ce qu’il a appris de la communauté d’accueil, de son homologue, de sa famille d’accueil puis du groupe s’en suivra. Ce sera la phase d’une autre aventure. J’avoue que mon intimité a varié d’un individu à l’autre mais pour ma part, nous resterons à jamais plus que de simples amis. J’ai partagé avec le groupe ma perception des choses par rapport à l’environnement, mes convictions par rapport aux relations interpersonnelles, ma perception de la vie et vis versa. J’ai donné et j’ai reçu de chaque membre du groupe. C’est triste que nous allons nous quitté mais toute bonne chose a une fin et laisse place à de nouvelles expériences.

Mes sincères remerciements à L’ACDI à JCM et à SYTO-Bénin grâce à qui cette aventure a été possible.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire